RÉSILIENCE / Un dimanche à LVIV
Perspective Svobody, située en plein centre-ville, prolonge l’espace face à l’Opéra – un lieu de rencontre, de promenade, d’activités, d’expression, voire de résistance pour les habitants de Lviv.
Ils se croisent, se côtoient, se groupent, chantent, dansent, afin de vivre une vie de résistance dans leur pays en guerre.
De très jeunes volontaires en treillis se déplacent en groupes ordonnés, d’autres en compagnie de leur petite amie, certains posent pour des clichés, accompagnés de leurs copains en civil. Ils sont fiers et arborent une attitude un peu puérile de combattants en bombant le torse.
Aucune gravité sur leurs visages ; des sourires, inconscients qu’une mort si proche et si probable peut les balayer à jamais.
Les familles laissent leurs enfants s’ébattre, nonchalants, déambulant d’un pas de promenade.
Plusieurs filles créent une chorégraphie dont elles seules détiennent le thème secret. Elles rient, toujours en mouvement. Elles tentent encore et encore d’inventer une certaine élégance dans leurs gestes de débutantes.
Des voix graves s’élèvent accompagnées par un accordéon< ; Ces chants interprétés par des personnes âgées semblent lourds d’émotion partagée. Elles forment un cercle informel et entonnent avec concentration le choix proposé par le musicien.
Certaines sourient, ravies d’être là, d’autres plus timides chantonnent à quelques pas.
Un large cercle de spectateurs de tous âges assiste à un concert de jeunes hommes. Personne n’applaudit. Les morceaux se succèdent. Personne ne quitte le cercle. Aucune joie ne transparait.
Un stand de tir improvisé propose de toucher une cible qui est le visage de Vladimir Poutine avec une kalachnikov à air comprimé. Une jeune femme s’essaye à l’épreuve et elle est folle de joie de constater que ses impacts ont fait mouche. Un jeune militaire en treillis lui succède adoptant l’attitude du tireur avec sérieux. L’image de Poutine est très motivante.
Jeune combattant en devenir, il est éclatant de jeunesse. Son regard porte loin. Il chevauche une trottinette, phare allumé. Un plaisir certain éclaire son visage. Il vit un court moment d’une action en adéquation avec sa vie naissante d’adulte. Cependant, il illustre dramatiquement ce paradoxe de guerre : le début d’une trajectoire humaine probablement brisée à jamais par la mort.
La vie des Ukrainiens de cette ville est rythmée par le travail de chacun. Les élèves de tout âge suivent leurs cours. Les magasins proposent les denrées sans restriction. Les bars sont ouverts et accueillants. Des restaurants émanent des odeurs alléchantes.
Cependant, si la résilience les anime, ils sont habités par la peur, par le chagrin et la douleur de la perte des combattants et des proches civils.
Dans les garages attendent, stockés, les cocktails Molotov dans le cas d’une invasion totale du pays par les Russes.
Les sacs de sable empilés forment des casemates et protègent les sous-sols. Des chevaux de frise sont disposés aux sites sensibles.
La guerre est là, à chaque minute et les accompagne.